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Former les demandeurs d’asile pour pallier le manque de main d’œuvre en Belgique

Le manque de main œuvre a incité le gouvernement et le secteur privé belges à mettre en place des initiatives ayant pour objectif d’aider les demandeurs d’asile à occuper les postes vacants toujours plus nombreux dans le pays.

Les efforts combinés des agences fédérales, des entreprises privées et des organisations à but non lucratif ont pour but de faire en sorte que, pendant qu’ils attendent que leur dossier soit traité, les demandeurs d’asile puissent acquérir les compétences recherchées par les employeurs.

Les programmes de formation professionnelle visant à satisfaire les besoins régionaux offrent une chance aux participants d’améliorer leurs compétences ou de se reconvertir, tout en se faisant une place dans l’économie locale et en s’intégrant socialement.

Un projet pilote est actuellement mené dans la ville médiévale de Durbuy, dans le sud de la Belgique francophone. Il a pour but de former 21 demandeurs d’asile aux métiers du secteur hôtelier et de la restauration, à des postes de commis de cuisine, serveur ou barman, avec l’assurance d’avoir un emploi à la fin du programme.

« Une expérience passionnante »

Kaddy Bojang, 34 ans, originaire de la Gambie, suit une formation de serveuse de cinq semaines à La Petite Merveille (LPM) Academy.

« Je trouve l’expérience passionnante. Je n’avais jamais fait cela auparavant. Quand on va au restaurant, on se dit qu’être serveur c’est facile, jusqu’au jour où c’est à notre tour de le faire. Pour moi, une assiette c’était une assiette. Maintenant je connais le nom de toutes les assiettes et de tous les couverts ainsi que les différentes façons de servir de la nourriture », explique Kaddy, qui ajoute que les cours de français lui sont aussi d’une grande aide.

Kaddy a passé deux ans au centre d’accueil de demandeurs d’asile de Hotton en attendant de savoir si elle pourrait rester en Belgique, donnant entre temps naissance à son fils. 

« Il est difficile de trouver du travail en dehors du centre alors je profite de ce que le centre peut m’apporter », indique-t-elle.

Lorsque la LPM Academy a présenté son programme de formation gratuit au centre, Kaddy a saisi sa chance. « Je donne le meilleur de moi-même. Cela me permet d’avoir un revenu. »

Cela aide aussi à alléger le stress qui s’accumule en attendant que ma demande d’asile soit traitée. « Au centre, tous les jours se suivent et se ressemblent. Nous n’avons rien à faire. La formation apporte un changement d’environnement, une bouffée d’oxygène, vous laissez le stress derrière vous et vous apprenez des choses. Cela nous permet d’oublier », dit-elle.

La formation de Kaddy sera suivie d’un stage de 160 heures au terme duquel elle se verra proposer un contrat à durée déterminée. Si les deux parties sont satisfaites, le contrat sera alors transformé en contrat à durée indéterminée.

Un moyen d’accéder au marché du travail

Pour Aurel Christel, 42 ans, originaire du Cameroun, participer au programme de formation a été un soulagement.

« Le personnel du centre d’accueil est très sympathique, mais nous n’avons rien à faire. C’est une situation très difficile », dit-il.

Bien que déjà titulaire d’un diplôme en Communication d’affaires et marketing, il considère sa formation de serveur comme une expérience positive.

« Je peux de nouveau utiliser mes mains et mon cerveau. Bien sûr, ce sera très utile car je découvrirai les méthodes belges, le code du travail, les relations avec les clients, etc. », ajoute Aurel.

L’ancien agent marketing est également réaliste concernant les difficultés associées à la situation de demandeur d’asile.

« Je ne peux pas trouver de travail dans mon secteur professionnel, mais le métier que j’apprends actuellement me permet d’être occupé et de gagner de l’argent pour satisfaire mes besoins... Le métier de serveur est facile pour moi, mais c’est aussi un moyen de mettre un pied dans une très grande entreprise », déclare-t-il. 

Aurel fait remarquer que sans la formation, il serait très difficile pour lui d’accéder au marché du travail belge.

Yamina Marzougui, coordinatrice à la LPM Academy, indique que les élèves du programme se voient remettre un diplôme officiel reconnu partout en Belgique. Elle explique que l’idée du programme de formation est née de la nécessité de pallier le manque de personnel.

« L’idée est venue de donner la possibilité aux demandeurs d’asile de se former en ayant la garantie d’avoir ensuite un emploi », indique-t-elle.

Se reconstruire grâce à l’enseignement et à la formation professionnels

Des apprentissages tels que ceux proposés par la LPM Academy, qui mettent en correspondance les compétences avec les besoins du marché du travail grâce à l’enseignement et à la formation professionnels (EFP), sont un des principaux piliers du paquet Soutenir l’emploi des jeunes de l’UE. Avec le soutien de l’Alliance européenne pour l’apprentissage, ils contribuent aux efforts déployés par l’UE pour se relever de la pandémie de COVID et opérer sa transition vers une économie plus numérique et plus respectueuse de l’environnement.

D’ailleurs, les expériences de nombreux apprentis tels que Kaddy et Aurel, et celles de beaucoup d’autres, seront mises à l’honneur à l’occasion de la Semaine européenne des compétences professionnelles, qui se tiendra du 16 au 20 mai 2022. La Semaine mettra aussi un coup de projecteur sur les initiatives telles que celle de la LPM Academy, qui aident les jeunes, les chômeurs et les demandeurs d’asile.

Le thème de l’édition de cette année est l’« EFP et la transition écologique ». Ce thème s’inscrit dans la vision de la Commission européenne consistant à atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Tout le monde est gagnant

La Petite Merveille est une des plus grandes entreprises du secteur de l’hôtellerie et des loisirs du pays. Elle compte plus de 340 employés. Son PDG, Bart Maerten, indique que l’entreprise recrute en permanence.  

Concernant la LPM Academy, il explique : « Nous sommes convaincus que la professionnalisation du secteur est la solution pour remédier à l’actuel manque de personnel dont souffre notre secteur ».

Le secrétaire d’état belge à l’Asile et à la Migration, Sammy Mahdi, a assisté à l’inauguration de l’Academy en janvier, présentant le nouveau plan d’action du gouvernement en faveur de l’emploi des demandeurs d’asile pendant leur séjour dans le pays.

« D’un côté, le marché du travail belge fait face à une grave pénurie de main d’œuvre. De l’autre, de nombreuses personnes, comme les demandeurs d’asile, aimeraient accéder au marché du travail, mais rencontrent des obstacles tels que leur manque de formation ou de compétences », souligne-t-il.

 

« C’est une situation où tout le monde est gagnant. Les demandeurs d’asile peuvent aider à remédier à la pénurie de main d’œuvre et, parallèlement, en tant que citoyens actifs, contribuer de manière positive à notre société », ajoute-t-il.

D’après Eurostat, le taux de postes vacants en Belgique au troisième trimestre 2021 était de 4,7 %, le deuxième plus élevé de l’UE et presque deux fois supérieur à la moyenne des 27 pays de l’UE.

Quelque 25 000 à 30 000 demandeurs d’asile attendent que leur dossier soit traité dans plus de 80 centres d’accueil du pays.

« Nous avons besoin de personnel »

Marie Polard de la Croix-Rouge, responsable des centres d’accueil de la région francophone, explique que de nombreuses personnes séjournant dans les centres passent leur temps à attendre de savoir si elles pourront ou non rester en Belgique. Récemment, pourtant, « nous voyons beaucoup d’entreprises, plus qu’avant, venir vers nous pour nous dire qu’elles ont besoin de personnel, alors nous essayons de les mettre en relation avec des résidents. » 

Sur le papier, quatre mois après le dépôt de leur dossier, les demandeurs d’asile obtiennent l’accès total au marché du travail belge. Dans la réalité, ils ont difficilement accès aux opportunités d’embauche à cause, entre autres, de la barrière de la langue, de problèmes de garde d’enfants, de reconnaissance de leurs diplômes, d’accès à Internet et de coût des transports.

Sammy Mahdi, secrétaire d’État, a annoncé la création d’une nouvelle unité au sein de l’Agence fédérale d’accueil des demandeurs d’asile (Fedasil). Son but est d’aider à mieux faire correspondre l’offre et la demande de main d’œuvre grâce à une approche mieux coordonnée avec les organisations locales et de mettre en place des ponts entre les centres d’accueil et le marché du travail.

Nils Baetens, coordonnateur de la Fedasil, a expliqué que l’agence a un nouveau rôle. Traditionnellement, sa mission était de gérer l’accueil des demandeurs d’asile, les réinstallations et les retours volontaires. Elle a aujourd’hui évolué pour faire en sorte que les demandeurs d’asile puissent acquérir des compétences qu’ils peuvent utiliser en Belgique pour la durée de leur séjour.

« Le renforcement des compétences est bon pour le développement personnel et l’estime de soi », a-t-il indiqué, précisant que même si les demandeurs d’asile finissent par retourner dans leur pays, ils le font en ayant acquis de nouvelles compétences.

« C’est intéressant pour les centres d’accueil car l’atmosphère est meilleure si les gens sont actifs, s’ils vont au travail et s’ils gagnent un peu d’argent. Sans compter que les employeurs manquent cruellement de main d’œuvre », conclut-il.

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This article has been published in Belgium by euractiv.com